Télécinéobs a aimé
Télécinéobs a aimé Entre les mots :
Le geste et la parole
Un intéressant décryptage des discours et des attitudes des candidats à la présidentielle.
source : Télécinéobs le 28/07/2007 auteur : Matthieu Croissandeau
Campagne «zapping», campagne «people», campagne baroque... On a beaucoup écrit sur l'originalité du cru présidentiel 2007. Mais peu de journalistes se sont essayés à l'analyse sémiotique et gestuelle du discours des candidats. Il y aurait pourtant eu beaucoup à faire, si l'on en juge par le documentaire réalisé par la journaliste Hélène Risser, diffusé ce soir sur la chaîne Public Sénat. Qui avait remarqué, par exemple, que le recentrage de Nicolas Sarkozy - son fameux «J'ai changé» prononcé le 14 janvier à la Porte de Versailles - avait transformé jusqu'à ses attitudes? Que l'index agressif qu'il avait coutume de pointer face aux militants comme aux caméras avait soudainement laissé la place à une main ouverte, tournée vers le ciel ou vers la foule, dans un geste de rassemblement? Qui avait relevé que le ton monocorde et répétitif de Ségolène Royal avait une vertu quasi hypnotique auprès des Français? Et que, s'il plongeait certains dans une ennui profond, il procurait à d'autres, selon un expert, une sensation apaisante proche de l'envoûtement? Ce sont là quelques- unes des interprétations livrées par les quatre observateurs interrogés par Hélène Risser.
Mais ce qui frappe le plus dans l'émission, c'est le décryptage de la mécanique oratoire de Nicolas Sarkozy, un extraordinaire «spectacle de la conviction», selon le mot de l'universitaire Denis Bertrand. Son utilisation des figures rhétoriques (de l'oxymore à l'anaphore), sa facilité à asséner des évidences frappées au coin du bon sens, la musicalité de son verbe, sa faculté à jouer, parfois dans une même phrase, sur des registres aussi différents que l'empathie ou l'enthousiasme sont impressionnantes. En face, Ségolène Royal semble boxer dans une catégorie différente. «Femme sans bras» derrière son pupitre, dit d'elle un expert, parlant «comme les gens qui dansent mal», ajoute un autre, la candidate souffrait d'un sérieux handicap gestuel: «Elle ne faisait pas corps avec sa parole. . .» Un jugement cruel, sans doute. Mais il faut reconnaître que la candidate, qui avait pourtant rénové le genre avec ses débats participatifs, n'a pas su s'y déployer avec talent.
Très axé sur les discours prononcés sur les estrades, le documentaire aurait sans doute mérité de se pencher aussi sur les nombreuses interviews au 20-heures qui ont émaillé cette course à l'Elysée ou sur le débat d'entre-deux tours. Curieusement, il passe également sous silence les discours d'usine de Sarkozy, véritables gimmicks de sa campagne. Idem pour les métaphores religieuses qui truffaient les textes de Royal, ou ses novations lexicales qui dépassaient de loin la seule «bravitude» prononcée sur la Grande Muraille. L'émission n'en dresse pas moins des portraits originaux et instructifs des deux personnalités qui ont occupé le devant de la scène ces six derniers mois et risquent de l'occuper encore pour quelques années!
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